« Questions de mobilité » : et si on faisait de la place aux mobilités actives et aux transports en commun ?

Après avoir lancé ses propositions pour la campagne des municipales 2020, le Collectif Cycliste 37 a souhaité proposer une grande enquête sur les mobilités alternatives pour ouvrir le débat sur cet enjeu de société, dans un contexte de changement climatique et de nécessaire adaptation des villes pour être plus durables et plus agréables à vivre. Nous vous présentons ici les résultats de cette enquête.

Méthodologie

Notre grande enquête « Questions de Mobilité » a été ouverte aux réponses du 9 au 22 décembre 2019 et a recueilli 490 réponses. Pour éviter un choix trop basique « oui/non », nous avons proposé des échelles de notation de 0 à 5. Zéro correspondant aux perceptions les plus négatives (« Non, pas du tout », « Totalement insatisfaisant ») et cinq les plus positives (« Oui, totalement d’accord », « Totalement satisfaisant »). Il en résulte sur certaines questions des réponses notées sur cinq en plus des pourcentages de réponses habituels.

Le mode de transport le plus utilisé pour se déplacer dans Tours et dans la métropole

Nous avons demandé quel mode de transport est le plus utilisé pour se déplacer dans Tours. 59 % des répondants se déplacent à Tours principalement à vélo, 24 % utilisent la marche à pied, 10 % les transports en commun et les 7 % restant un véhicule motorisé (voiture ou deux-roues motorisé). Le changement d’échelle quand on se déplace au niveau de la métropole a un impact immédiat sur le mode de déplacement utilisé. L’automobile-deux-roues motorisé (2RM) passe de la dernière place à la première (43 %), le vélo baisse mais représente toujours 37 % des modes de déplacement. Avec l’allongement des distances, la part des transports en commun passe à 17 % tandis que la marche à pied tombe à 2 %.

Sans surprise, la distance à parcourir est déterminante dans son choix de mode de déplacement. Le vélo semble le plus à même de convenir à des déplacements courts-moyens ou plus longs, sur Tours et la métropole. Le choix de déplacement principal sur Tours est un critère déterminant et différenciant pour la suite des réponses à notre questionnaire.

La marche à pied

La facilité de se déplacer à Tours en marchant est jugée plutôt bonne par nos répondants avec une note de 3,55/5. Étonnamment ce sont les automobilistes-2RM qui notent le mieux la ville en ce qui concerne la marche à pied en lui donnant un 4/5.

L’extension des secteurs piétonniers pour rendre la ville plus attractive et agréable à vivre est plébiscitée par nos répondants. « Oui, tout à fait » pour 65 % et « Non, pas du tout » pour 4 %. Que ce soit pour la marche, le vélo ou les transports en commun (TC), la note générale tourne autour de 4,2/5. Seuls les automobilistes-2RM sont mitigés avec une note de 2,6/5. En tout cas, il semble que l’extension du périmètre piétonnier soit une véritable attente des tourangeaux.

Souhait de développement des zones piétonnes à Tours en fonction du mode de déplacement principal. @CC37
Souhait de développement des zones piétonnes à Tours en fonction du mode de déplacement principal. @CC37

Notre question sur la création d’un grand espace en centre-ville pour organiser des animations tout au long de l’année séduit aussi les répondants avec une note de 3,6/5. Les piétons et les cyclistes sont les plus favorables et les automobilistes-2RM un peu moins (2,9/5). Mais c’est une idée qui séduit pour ramener de l’activité en centre-ville ou libérer l’espace utilisé chaque année lors des fêtes de Noël, par exemple, qui impacte directement les modes actifs sans toucher aux déplacements motorisés.

Pour finir nous avons demandé aux tourangeaux comment ils jugeaient l’action de la collectivité (mairie, élus, police municipale, police nationale etc…) contre le stationnement anarchique et dangereux des véhicules motorisés. Leur jugement est sévère et sans appel avec une note de 1,5/5 ! Les cyclistes sont les plus sévères (1,1/5) suivi de près par les piétons (1,7/5). Ils ont été jusqu’à 49 % pour les cyclistes et 34 % pour les piétons à répondre « Non, pas du tout » soit 0/5. Les utilisateurs de TC ou les automobilistes-2RM sont plus cléments mais jugent l’action moyenne avec un 2,2/5.

Action de la collectivité contre le stationnement illégal et anarchique des véhicules motorisés sur les trottoirs en fonction du mode de déplacement principal à Tours. @CC37
Action de la collectivité contre le stationnement illégal et anarchique des véhicules motorisés sur les trottoirs en fonction du mode de déplacement principal à Tours. @CC37

Le vélo à Tours

La facilité de déplacement à Tours est jugée très moyenne par les répondants avec une note de 2/5, que ce soit les cyclistes, piétons, utilisateurs de TC. Les automobilistes-2RM sont un peu plus mitigés avec un 2,6/5. Ces résultats sont en adéquation avec le dernier baromètre des villes cyclables de 2017 qui jugeait moyennement la ville de Tours.

Facilité à se déplacer à vélo à Tours en fonction du mode de déplacement principal. @CC37
Facilité à se déplacer à vélo à Tours en fonction du mode de déplacement principal. @CC37

Nous avons interrogé les tourangeaux sur la création d’un réseau de pistes cyclables continues et séparées du trafic motorisé et des piétons, qui permettrait de circuler facilement, rapidement et de façon sécurisée au cœur de la ville de Tours et de la métropole. Cette proposition que nous avons faite dans le cadre des municipales 2020 est plébiscitée par les répondants puisqu’ils lui donnent une note de 4,7/5. 85 % ont répondu « Oui, tout à fait d’accord ». Bien entendu, même si ce sont les cyclistes les plus favorables (4,9/5), les piétons et les utilisateurs de TC approuvent cette idée à une grande majorité avec une note de 4,6/5. Les automobilistes-2RM quant à eux ne rejettent pas cette proposition puisqu’ils donnent une note de 3,1/5 et même 38 % d’entre eux sont « Tout à fait d’accord ». Les tourangeaux semblent enfin prêts à un meilleur partage de l’espace public entre tous les modes de déplacement, pour développer les modes actifs et pour diminuer les conflits d’usage.

Souhait de création d'un réseau de pistes cyclables sécurisées en fonction du mode de déplacement principal à Tours. @CC37
Souhait de création d’un réseau de pistes cyclables sécurisées en fonction du mode de déplacement principal à Tours. @CC37

La création d’un réseau de pistes cyclables continues et séparées du trafic motorisé et des piétons inciterait-elle les déplacements à bicyclette ? Sans aucun doute, puisque les cyclistes ont répondu « Oui, tout à fait » à 80 %, les piétons à 71 % et les utilisateurs de TC à 63 %. Même les automobilistes-2RM seraient prêts à sauter le pas puisque 31 % d’entre eux ont répondu qu’ils seraient « Tout à fait » incités à se déplacer à vélo. On touche ici du doigt le potentiel important des déplacements à vélo en ville : pourquoi pas une part modale de 30 % du vélo en ville à condition que toutes les conditions de sécurité et de confort soient réunies ?

Incitation à la pratique du vélo par la création d'un réseau de pistes cyclables sécurisées en fonction du mode de déplacement principal à Tours. @CC37
Incitation à la pratique du vélo par la création d’un réseau de pistes cyclables sécurisées en fonction du mode de déplacement principal à Tours. @CC37

Les transports en commun

La facilité de déplacement en transport en commun est jugée plutôt moyenne par les répondants avec une note globale de 3/5, et légèrement supérieure pour ceux qui utilisent les TC pour se déplacer à Tours (3,5/5).

Fréquence d’utilisation 

Le train régional est très peu utilisé pour se déplacer sur la métropole : jamais à 31 %, rarement à 48 %, 14 % une à 2 fois par mois, moins de 5 % une ou deux fois par semaine ou tous les jours.

Le tramway et le bus ont une fréquence d’utilisation assez comparable par nos répondants : 7 % tous les jours pour les deux moyens de transport, 24 % une à deux fois par semaine pour le tramway et 17 % pour le bus. 26 % une à deux fois par mois pour le tramway et 23 % pour le bus. L’utilisation du bus semble plus épisodique que celle du tramway, puisque 54 % des répondants l’utilisent rarement ou jamais, contre 42 % pour le tramway.

Développement du réseau, rapidité et performance 

Nous avons ensuite demandé de juger le développement du réseau, la rapidité et la performance des différents types de transport en commun (trains régionaux, tramway, bus).

Pour le train régional, les notes sont plutôt en dessous la moyenne : 2,1/5 pour le développement du réseau, 2,5 pour la rapidité et 2,3 pour la performance.

Pour le tramway tourangeau, si le développement du réseau est jugé de façon identique à celui du train régional (2,1), le tramway est bien mieux noté en ce qui concerne la rapidité et la performance avec une note de 3,5/5.

Pour les bus tourangeaux, le développement du réseau est légèrement mieux noté que le train régional et le tramway avec une note de 2,8/5 mais c’est assez décevant pour un mode de déplacement qui devrait avoir le meilleur maillage territorial sur Tours et la métropole. Concernant la rapidité et la performance, elles sont aussi jugées très moyennement avec des notes respectives de 2,6 et 2,7/5.

La perception des transports collectifs tourangeaux peut aussi expliquer la prédominance de la voiture pour se déplacer principalement sur la métropole.

Les efforts des collectivités pour le développement des modes actifs

Les utilisateurs des modes actifs (marche et vélo) jugent assez négativement l’action des collectivités pour développer l’usage de ceux-ci. La note varie entre 1,6/5 pour les cyclistes et 1,8/5 pour les piétons. Les utilisateurs de TC ou les automobilistes-2RM sont moins sévères avec respectivement 2,4 et 3/5 mais c’est un jugement tout aussi moyen.

La réduction de la place de la voiture en ville n’est plus taboue

Notre question portait sur la place de la voiture en ville, condition sine qua non pour étendre la surface du piétonnier, créer une place pour les animations ou un réseau de pistes cyclables séparés du trafic motorisé. Nous avons donc demandé aux tourangeaux s’ils y étaient favorables afin de développer les mobilités alternatives. Là encore, il semble qu’une révolution culturelle ait eu lieu sans que nos élus ou médias ne s’en soient rendus compte.

Cette question a obtenu une note favorable de 4/5. Ce sont les cyclistes et les piétons qui semblent le plus en attente d’une telle mesure, avec des notes respectives de 4,5 et 3,8/5. Les utilisateurs de TC sont légèrement en dessous avec un 3,5/5. Les cyclistes ont répondu « oui, tout à fait d’accord » à 72 % et les piétons de même à 52 %.

Seuls les automobilistes-2RM qui se déplacent principalement à Tours grâce à ce mode de transport ne sont pas franchement emballés par la réduction de la place de la voiture en ville pour permettre le développement des mobilités alternatives. Ils lui ont donné un 2,1/5, mais finalement plus proche de la moyenne qu’un zéro pointé !

Question subsidiaire : commune de résidence et d’emploi

Une question permettant d’affiner le profil des répondants nous permet une analyse complémentaire intéressante. 58 % des répondants résident sur Tours, 35 % sur la métropole en dehors de Tours. On constate que 62 % des résidents à Tours ont aussi leur emploi (travail, étude, apprentissage) sur Tours. Concernant les autres résidents sur des communes autres que la métropole, 59 % de ceux-ci ont leur emploi sur Tours. Cela montre l’importance de l’attractivité de la ville-cœur de métropole et conforte notre proposition de besoin d’un réseau de pistes cyclables sécurisées à l’échelle de la métropole.

Conclusion

Notre enquête montre que la position des tourangeaux a évolué, contrairement aux idées reçues, sur un certain nombre de questions ayant trait à la mobilité, quand il s’agit des alternatives à l’utilisation de la voiture individuelle en ville. S’ils sont satisfaits de la façon de se déplacer en ville, ils demandent néanmoins plus d’espaces piéton pour pouvoir se déplacer à pied ou profiter de la ville comme lieu plus agréable à vivre. Ils sont beaucoup moins satisfaits quand il s’agit de se déplacer à vélo dans Tours et surtout, quel que soit le mode de déplacement privilégié, ils plébiscitent la création d’un réseau de pistes cyclables sécurisées et séparées du trafic motorisé ou de la circulation piétonne. Ils sont aussi attentifs au développement des transports en commun, mais aussi à la qualité du service.

Notre enquête « Questions de Mobilité » fait aussi tomber des idées reçues. Les répondants semblent aujourd’hui largement prêts à une réduction de la place de la voiture en ville si celle-ci encourage la pratique et le développement des modes actifs et de l’amélioration des performances des transports en commun.

Le Collectif Cycliste 37 demande aux collectivités (métropole, mairies etc.), aux candidats aux municipales et aux futurs élus, de se saisir de nos conclusions et de lancer une grande étude (quantitative, qualitative et participative) sur la mobilité des tourangeaux, leur demander leur avis, leurs envies et attentes sur leurs modes de déplacement.

Le développement de la marche, du vélo et des transports en commun est illusoire sans reprendre de la place à la voiture en ville (que ce soient des voies de circulation ou du stationnement). Ce n’est que par l’utilisation raisonnable et raisonnée de la voiture en ville que nous arriverons à relever les défis qui s’annoncent et de faire des villes du XXIe siècle des lieux plus agréables à vivre.