[Tribune] Un an après la mort de Paul Varry, tout reste à faire contre les violences motorisées

Tribune de la Fédération des Usagères et des Usagers de la Bicyclette (FUB).

Il y a un an, Paul Varry, cycliste de 27 ans, mourrait écrasé par un automobiliste à Paris. Le conducteur est aujourd’hui mis en examen pour meurtre compte tenu de l’intention de tuer. Ce drame a suscité une vive émotion dans tout le pays, avec des rassemblements organisés dans plus de 300 communes de France par les associations de la Fédération française des Usagères et usagers de la Bicyclette (FUB). Ce n’est pas un drame isolé, mais le reflet de violences motorisées au caractère systémique. Agressivité, vitesse excessive, dépassement sans distance latérale suffisante, refus de priorité, queue de poisson : à chaque instant, des conducteurs de véhicules motorisés mettent en danger les usagères et les usagers vulnérables, à pied ou à vélo, de manière délibérée ou par absence manifeste de respect des autres.

Depuis 2022, l’Etat ne mesure plus les « violences routières » dans son enquête annuelle de victimation, alors même que l’édition 2019 indiquait plus de 55 000 victimes de violences routières physiques et près de 235 000 victimes de menaces entre usagères et usagers de la route. Mais ne plus utiliser de thermomètre ne fait pas baisser la fièvre qui ne cesse de monter. En effet, à travers l’étude de près de 3 000 témoignages circonstanciés déposés par des victimes sur sa plateforme « Stop Violences Motorisées » entre octobre et décembre 2024, la FUB a notamment mis en évidence que la présence d’enfants à pied ou à vélo ne dissuadait pas les violences motorisées et que dans 9 cas sur 10 la personne responsable de ces violences était un homme. Par ailleurs, l’édition 2025 du Baromètre vélo de la FUB a recueilli un record de plus de 334 000 participant·es parmi lesquels 76 % indiquaient avoir été victime de violence motorisée au cours des 12 derniers mois.

Les données ainsi collectées par la FUB comblent un manque et documentent un constat unanime qu’évoque aussi le rapport remis par Emmanuel Barbe au ministre des Transports fin avril 2025 mentionnant l’« explosion de violences observées dans le contexte spécifique de la route » et la « dangerosité supplémentaire » des personnes à bord d’un véhicule qui peut « devenir une arme par destination ». L’Etat est interpellé, dans une période où son volontarisme affiché jusque-là pour le développement du vélo est en berne. Le rapport précité critique d’ailleurs ouvertement la baisse des financements d’infrastructures cyclables par l’Etat. Cette baisse est cruelle, alors que le constat des violences motorisées appelle à aménager encore davantage d’infrastructures cyclables pour protéger les usagères et usagers du vélo. Ces aménagements cyclables comptent entre 2019 et 2024 une hausse de fréquentation plus de 40 %. C’est sans compter toutes les personnes prêtes à franchir le pas pour adopter le vélo, améliorer leur santé au quotidien et contribuer à la transition des mobilités, mais qui hésitent à mettre le pied sur la pédale faute d’aménagements cyclables protecteurs, faute d’une meilleure éducation à la mobilité et faute de fermeté de l’Etat face à l’agressivité au volant.

Au-delà des enjeux d’accidentalité et de violences routières, la sécurisation des cyclistes est également une urgence environnementale, sociale et de santé publique. En effet, la sécurité est le principal frein à la pratique du vélo et à son développement. Pourtant, le développement du vélo est indispensable pour atteindre les objectifs climatiques de la France, tout en réduisant les consommations de ressources, d’espace, la pollution de l’air et la pollution sonore. Il s’agit aussi d’offrir une mobilité à moindre coût à de nombreux ménages aujourd’hui prisonniers d’une dépendance à l’automobile, faute d’alternatives accessibles. Enfin, la sédentarité et l’inactivité physique sont des enjeux majeurs de santé publique. Un fort développement de la marche et du vélo permettrait d’éviter 20 000 décès par an et de gagner quasiment 3 mois d’espérance de vie pour la population dès 2035.

En plus de baisser les crédits dédiés à la sécurisation des déplacements à vélo, l’Etat a jusqu’à présent renoncé à agir y compris à moindre frais. L’amélioration de la sécurité des cyclistes pourrait par exemple passer par une simple mesure règlementaire, rapide à mettre en œuvre et imposant aux automobilistes le franchissement de la ligne médiane pour les déplacements de vélos, y compris lorsque la ligne est continue. De même, les mesures de confiscation de véhicules et la suspension du permis de conduire, prévues par circulaire gouvernementale de mai 2025 concernant les rodéos urbains, pourraient être activées à l’égard des auteurs des violences motorisées.

Si ces mesures peuvent être prises rapidement, d’autres nécessitent un investissement pour l’avenir afin de former de nouvelles générations prudentes.Ainsi, l’apprentissage du vélo à l’école avec le Savoir Rouler à Vélo doit être généralisé à tous les enfants d’une classe d’âge. La formation et l’examen du permis de conduire doivent donner davantage de place au partage de la route, à l’empathie et à l’intégration d’un module vélo. De même, depuis 1996, les collectivités ont des obligations liées à la création d’aménagements cyclables lors des travaux de voirie : un accompagnement renforcé de l’Etat via les préfets, comme le suggère également le rapport Barbe, pourrait renforcer l’efficacité de cette obligation.

Alors que l’Etat tarde à agir, les attentes se tournent aussi vers les candidates et candidats aux élections municipales de 2026. En effet, si le développement des aménagements cyclables nécessite un soutien financier approprié de la part de l’Etat, il dépend aussi des choix de partage de l’espace public faits au niveau local : généralisation d’une limite de vitesse à 30 km/h pour protéger les personnes qui se déplacent à pied et à vélo ; « rues aux écoles » pour assurer aux enfants un environnement protecteur pour se rendre à pied ou à vélo à l’école… Le dialogue entre élus, techniciens, associations et usagers permet de concevoir des aménagements et des espaces publics plus sûrs. La cartographie des « points noirs » issue des 334 000 réponses au Baromètre vélo de la FUB signale dans chaque territoire les lieux à sécuriser en priorité.

Alors que le 15 octobre 2025 marque une année entière écoulée depuis la mort de Paul Varry, alors que ce drame a mis au grand jour les violences motorisées systémiques et trop répandues, nous appelons aujourd’hui le nouveau Gouvernement à agir enfin, et interpellons les candidates et candidats aux élections municipales de 2026 à poursuivre une action déterminée pour sécuriser les déplacements à vélo et réduire l’agressivité routière.

Céline Scornavacca, co-présidente de la Fédération française des Usagères et usagers de la Bicyclette (FUB)
Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports
Lucile Stahl, avocate, membre du collectif Vélo Diois

Source : FUB, octobre 2025.

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