Marchabilité et vitalité commerciale : quand les commerçants se trompent de combat…

En 2016, la Métropole Rouen Normandie a publié une étude sur la « marchabilité et vitalité commerciale ». Commerçants et clients ont été interrogés sur leur perception des freins au shopping en centre-ville. Voici une synthèse des résultats.

D’après les commerçants, le principal frein à la vitalité commerciale du cœur d’agglomération est le manque de stationnement

Entre la moitié et 78% d’entre eux déclarent qu’il n’y a pas assez de stationnement et seule une minorité évoque les nuisances liées au trafic motorisé (bruit, circulation, obstacles sur trottoir).

Les freins au shopping : ce que pensent les commerçants
Les freins au shopping : ce que pensent les commerçants

Du côté des clients, le discours est tout autre

Plus de 50% des clients évoquent comme frein à la vitalité commerciale du cœur de l’agglomération la trop grande place occupée par la voiture (trop de bruit/circulation, pas assez d’espace pour marcher, trop d’obstacles sur les trottoirs) et seule une minorité (20%) réclament plus de stationnement.

Les freins au shopping : ce que disent les clients
Les freins au shopping : ce que disent les clients

Conclusions

  • Les clients des commerces de centre-ville aspirent à des espaces apaisés avec moins de trafic automobile et plus de place pour les piétons.
  • Les commerçants se trompent de combat lorsqu’ils réclament des parkings et une circulation automobile facilitée en ville.

Extrait de la synthèse des principaux résultats de l’enquête menée sur le cœur de métropole de Rouen entre janvier et avril 2016

« Les freins du shopping : ce que pensent les commerçants et ce que disent les clients…

Il apparaît que les commerçants (y compris restaurants et services) et leurs clients ne partagent pas la même vision de ce qui les dérange lorsqu’il s’agit de faire du shopping. Pour les commerçants de Rouen, le frein principal au shopping est, avec une grande marge, le manque de stationnement (78% des citations), alors qu’il ne représente que 20% des citations chez les habitants. Ce facteur est donc largement surévalué dans les préoccupations des commerçants par rapport à la réalité de leur clientèle. En effet, le frein principal au shopping chez les habitants est, lui, avec 23% des citations, le fait d’avoir trop de bruit et de circulation lors de leurs achats, tandis que les commerçants l’estiment être un frein à seulement 11%. L’impact d’une rue apaisée et sûre pour les piétons semble donc sous-évalué par les commerçants.

Plus grave encore, le troisième frein au shopping d’après les clients, avec 17% des citations, le manque d’espace pour marcher, est un critère qui n’est cité par aucun commerçant. C’est également le cas du trop grand nombre d’obstacles sur le trottoir, avec 14% des citations chez les clients, contre seulement 4% chez les commerçants. D’autre part, même le critère de congestion du trafic, cité à 12% comme frein par les clients, est cité à 7% chez les commerçants et se trouve égale-ment sous-évalué au dépens du stationnement, alors même que les effets de la congestion sur l’accessibilité des magasins sont tout aussi sérieux.

Enfin, le critère du manque de diversité de l’offre des magasins est lui aussi sous-évalué chez les commerçants par rapport aux clients. En effet, alors que la présence de magasins haut de gamme et et de magasins bas de gamme (9% des citations) est vue comme un frein chez la clientèle, aucun commerçant ne cite ce critère. De cette comparaison, il ressort chez les commerçants une méconnaissance des conditions d’accès des clients jusqu’au magasin, et la minimisation du trajet à effectuer à pied. Ceci s’appuie encore aujourd’hui sur la croyance que les clients viennent pour un but précis et repartent en voiture immédiatement après leur achat. Le problème de cette vision est qu’elle exclut tout lèche-vitrines, toute flânerie et par extension tout achat non prévu.

Au contraire, la qualité de l’itinéraire piéton et la présence d’espaces publics de qualité sont des critères importants pour modifier le ratio entre le temps de transit et le temps de séjour. En effet, il a été prouvé qu’un temps plus long passé en ville a des effets positifs sur le nombre d’achats effectués et bénéficierait donc avant tout aux commerçants eux-mêmes.

En dépit de l’évidence apportée par le fonctionnement de longue date d’un plateau piétonnier constamment surinvesti par les usagers, au risque de devenir repoussant par sa surdensité piétonne, et de l’évidence montrant les plus grands signes de déclin dans les segments de rues qui souffrent le plus des problèmes liés au trafic (bruit, congestion) et au manque d’espace piéton, la question du stationnement obstrue un processus pondéré et raisonné basé sur les critères objectifs apportés par la clientèle elle-même, et biaise toujours les débats. Les centres commerciaux ne s’y trompent pas, eux qui placent la qualité d’agrément de leurs espaces “publics” au cœur de leur design urbain. Faisons de même avec le centre-ville, dont la biodiversité reste inimitable, pour peu que la qualité d’agrément sache attirer le plus important des ingrédients : le piéton lui-même. »

Source : Marchabilité et vitalité commerciale. Les défis pour la Métropole Rouen Normandie. Synthèse des principaux résultats de l’enquête menée sur le cœur de métropole entre janvier et avril 2016. Bfluid recherche & expertise, Sonia Lavadinho, Marika Brancato, Maël Koenig, Dimitri Marincek, Eileen Talley, Axelle Valance, avril 2016.

Merci à Matthieu Chassignet, ingénieur ADEME « mobilité, vélo, qualité de l’air, transition numérique » pour avoir signalé cette enquête.