« Il faut investir dans une politique vélo ambitieuse parce que cela ne coûte pas cher », entretien avec Nicolas Mercat sur France Inter

Extraits du reportage de Vanessa Descouraux et Laurent Lucas pour le magazine Interception sur France Inter intitulé « Municipales, l’échappée belle du vélo » et diffusé le 1er mars 2020.

Pictogramme vélo.
Pictogramme vélo.

« Bonjour, je m’appelle Nicolas Mercat, je suis le cofondateur d’un bureau d’études spécialisé dans les questions de mobilités, et plus particulièrement du vélo, qui est intégré au groupe Inddigo. Nous accompagnons les collectivités, que ce soit les communes, les intercommunalités, les régions, les départements, qui veulent engager une politique cyclable.

« Une politique cyclable ambitieuse, cela ne coûte pas cher »

Vanessa Descouraux : Une politique cyclable coûte-t-elle cher ?

Nicolas Mercat : Non, une politique cyclable, cela ne coûte pas cher et même pas cher du tout. En gros, quand l’on raisonne sur la mobilité « voitures », c’est 270 € par an et par habitant. Une politique de transports en commun, en France, c’est 490 €/an/hab. En France, on met 8 €/an/hab. dans les politiques cyclables. Ce n’est pas assez.

Il y a des bons élèves, qui font beaucoup plus, qui mettent 15, 20 et demain 25 €. C’est plutôt les grandes villes, donc c’est Paris, Strasbourg, Grenoble, Bordeaux, Toulouse, Nantes, donc un certain nombre de villes qui ont compris aujourd’hui qu’il fallait mettre suffisamment d’argent sur le vélo. Les Pays-Bas mettent en moyenne 30 € /an /hab.

Malheureusement, on a une vraie fracture territoriale en France, puisque les territoires ruraux mettent en moyenne 1 ou 2 € / an /hab. dans les politiques cyclables.

« 30 €/an/hab. sur 10 ans et la France rattrape son retard sur les autres pays européens »

Vanessa Descouraux : Il faudrait combien d’euros par an et par habitant et sur combien de temps pour rattraper notre retard ?

Nicolas Mercat : Avec 30 €/an/hab. sur 10 ans, on fait une très bonne politique cyclable et la France rattrape son retard sur les autres pays européens. Cela se joue maintenant : en un mandat, on est capable de changer la politique cyclable de la France. C’est justement maintenant qu’il faut investir.

C’est justement parce que les collectivités ont moins de ressources à mettre en avant qu’il faut investir dans une « politique vélo » parce que c’est vraiment la moins chère. C’est une politique qui n’est pas chère pour les individus, en gros une voiture c’est 0,34 € / km, là où un vélo entretenu régulièrement, c’est dix fois moins. Et puis, ce n’est pas cher pour les collectivités.

« Des gains considérables en terme de santé publique : 10 milliards d’euros par an ! »

Vanessa Descouraux : Existent-ils également des gains en terme de santé publique ?

Nicolas Mercat : Oui, les gains de santé publique sont considérables. En gros, l’économie du vélo en France, c’est 9,5 milliards d’euros. Si je regarde les bénéfices santé de la pratique du vélo en France aujourd’hui, alors même que la pratique est faible, c’est 10 milliards d’euros. C’est-à-dire que les impacts de santé publique maintenant, alors que la pratique est faible, c’est plus que tout le reste ! Plus que le tourisme à vélo, l’achat des vélos, les infrastructures cyclables, les locations de vélos, etc.

Chiffres clefs en France sur le coût des politiques de déplacement :

  • une politique de promotion de la voitures, coûte 270 € / an / habitant. 
  • une politique de transports en commun, coûte 490 € / an / habitant.
  • les politiques cyclables coûtent en moyenne 8 € / an / habitant.
  • des politiques cyclables ambitieuses coûteraient 30 € / an / habitant.

« Oui, atteindre 9 % des déplacements à vélo en 2024 est un objectif réalisable »

Vanessa Descouraux : Au niveau national, l’objectif c’est d’atteindre 9 % de part modale, c’est-à-dire 9 % de déplacements à vélo d’ici 2024. Cela vous paraît-il réalisable ?

Nicolas Mercat : 9 %, c’est non seulement tenable et réalisable mais c’est rejoindre la moyenne européenne. Donc 9 %, c’est faisable.

Vanessa Descouraux : Nous sommes à 2,5 % aujourd’hui, il faut le préciser.

Nicolas Mercat : Nous sommes à 2,5 %. Cela veut dire que l’on peut très facilement quadrupler la pratique. Le problème, c’est à quelle échéance et pour quels investissements ? Donc il faudrait faire des investissements importants si l’on veut le faire à horizon 2024. A horizon 2030, cela paraît plus faisable. Mais investissons maintenant dans la pratique cyclable, c’est maintenant qu’il faut le faire. Tous les clignotants sont au vert :

  • l’opinion est favorable,
  • d’un point de vue des budget des collectivités, c’est un point qui est très positif pour les six prochaines années de mandat,
  • et puis les impacts santé sont tels que c’est une politique cyclable qu’il faut engager maintenant.

L’exemple des pays latins : Italie et Espagne

Vanessa Descouraux : Cela c’est déjà vu, en un mandat, des évolutions spectaculaires sur un territoire particulier aussi rapidement que cela ?

Nicolas Mercat : Complètement ! Et ce qui est le plus intéressant, c’est qu’on les trouve dans des territoires latins : on trouve des très bons exemples en Italie, en Espagne…

Vanessa Descouraux : Donc des gens aussi peu disciplinés que nous ?

Nicolas Mercat : Exactement ! Donc des gens tout aussi attachés que nous à la voiture.

Une ville comme Séville, qui est une ville pauvre, c’est une ville qui en un mandat municipal a réussit avec relativement peu d’aménagements cyclables mais des aménagements continus, à passer de 0,6 % de déplacements à vélo – donc une inexistence du vélo, à 6 %, donc à se rapprocher de la moyenne européenne et à largement dépasser la moyenne française. 2,5 % en France et 9 % la moyenne européenne. Donc [la France] est dans le « grupetto » de l’Europe. »

Chiffre clef sur les bénéfices santé de la pratique du vélo en France aujourd’hui :

  • 10 milliards d’euros / an, soit plus que la totalité de l’économie du vélo (9,5 milliards d’euros / an)

Pour aller plus loin

[reportage] « Municipales, l’échappée belle du vélo », France Inter, 1er mars 2020

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