La matinée avait pourtant bien commencée : des pains au chocolat, trois moniteurs ultra motivés, et le beau temps pour faire la route jusqu’à Montreuil (pas à vélo, n’en déplaise aux plus accros d’entre vous) ; mais voilà, un GPS qui ne fonctionne pas ou qui localise au mauvais endroit, c’est un peu ennuyeux et ça peut vous mettre à la bourre. Finalement après quelques coups de fil à François (Fatoux, président de Vivre à Vélo en Ville et fondateur de la vélo-école de Montreuil) et une visite de Bobigny, nous arrivons à bon port en cette fraîche matinée du mois de mars… Comme si arriver en retard à l’école était un vieux réflexe ancré au plus profond de chacun d’entre nous.
Nous nous glissons alors dans un des cinq groupes de niveau présent ; cela va nous permettre de découvrir des exercices différents tout au long de notre stage. Fabien avec les niveaux 1 et 2 dans la cour d’école, Pierre avec le groupe de niveau 3 en déambulation urbaine. Pour ma part, ça sera des exercices de démarrage en côte dispensés par Rémi avec le niveau 4. Ce dernier n’est pas des plus aisé mais les élèves sont attentives et appliquées (une grosse majorité de femmes sont inscrites à la vélo-école de Montreuil, comme partout ailleurs). La méthodologie ne diffère pas beaucoup de celle que l’on dispense à Tours, seul le cadre bucolique du parc des Beaumont, qui fait face au local de l’association Vivre à Vélo en Ville me rappelle que je suis là pour m’imprégner de la pédagogie mise en œuvre à Montreuil. Le retour au local s’effectue en pédalant en pleine rue ; les élèves apparaissent plutôt agiles et dotées d’une bonne réactivité face aux imprévus, même si la confiance est encore chancelante et les freinages un peu brusques. La séance matinale s’achève tranquillement par le rangement des vélos et le remplissage des carnets de suivi de chacun des élèves.
Installés entre les boites de thé à la menthe bien alignées et recyclées en rangement pour pièces de vélos, le repas du midi avec les moniteurs locaux est convivial et la discussion animée. Entre la pédagogie des vélos écoles, les aménagements cyclables et la pratique quotidienne du vélo-taffeur urbain, les sujets ne manquent pas. Ici, on affiche une volonté de former des cyclistes adroits avant tout, la pratique ultérieure étant par essence la liberté de l’élève, qu’elle soit urbaine ou extra urbaine, de loisirs ou sportive. Ainsi, l’objectif est de les conduire au plus haut niveau technique possible. C’est pourquoi la fidélisation apparaît comme un enjeu majeur, ici comme ailleurs, et une partie de la réponse semble se trouver dans l’idée d’une progression constante à l’image des niveaux 1bis et Master Class récemment mis en place à Montreuil.
L’après-midi est consacrée à ce fameux niveau « ultime » – la Master Class – qui regroupe des élèves parvenus en fin de cycle et qui veulent évoluer vers davantage de maîtrise technique. Les exercices sont instructifs et permettent autant aux élèves qu’aux moniteurs d’éprouver leurs talents sur une bicyclette. L’aménagement et le mobilier urbain sont ainsi détournés au profit des exercices visant à l’apprentissage du vélo, à l’image du street des skateurs et BMXers pour qui l’architecture moderne est un superbe terrain de jeu. Il en va ainsi du franchissement des barrières en chicanes limitant l’accès à certaines ruelles ou entrées d’immeuble, des slaloms entre les bornes interdisant aux voitures de se garer, de virages très serrés…
Cette première journée assez intense s’achève sur un exercice qui consiste à monter sur le vélo « à l’ancienne », c’est-à-dire en passant une jambe par dessus la selle tout en roulant.
La matinée du dimanche nous permet de constater que l’organisation d’une séance de vélo-école concourt grandement à son efficacité. Ainsi, lors de son arrivée chaque stagiaire sait précisément avec quel moniteur il va partir, des groupes de niveau se forment spontanément en attendant le début de la séance.
Je choisi de prendre part à une séance de niveau 3 avec Janine. C’est l’opportunité de découvrir les trottoirs de Montreuil, entre poubelles, arbres et voitures stationnées, entre recherche d’une trajectoire optimale et recherche d’équilibre : les élèves passent d’un lieu d’exercice à un autre. Ainsi du stade où ils s’essayent au pédalage debout, à la placette où ils travaillent leurs virages à droite, tout est excuse pour apprendre et apprendre encore. Entre rigueur et amusement, il faut savoir trouver le juste milieu, et cela semble assez réussi.
Le thé à la menthe et les petits gâteaux marque le moment de convivialité qu’est la pause matinale. Tout le monde se regroupe dans la cour de l’école pour discuter et échanger, et bien sur, parler vélo. C’est aussi l’occasion pour nous de rencontrer les moniteurs présents uniquement le dimanche matin (et ils sont nombreux).
Dans ce lieu symbolique où les rires se mêlent aux explications des moniteurs et aux quelques (rares) bruits de chute, l’acquisition de l’équilibre et les premiers tours de pédales se fait parfois en une ou deux heures. De la patinette à la draisienne, tout y passe et le 1 bis constitue un niveau intermédiaire pour celles et ceux qui sont en phase d’apprentissage de l’équilibre et de la trajectoire.
Le repas dominical autour de François et de Janine nous offre l’occasion de prolonger les discussions entamées la veille. Vu d’ici, le rôle des vélo-écoles comme outil d’éducation populaire et vecteur de socialisation et d’émancipation pour de nombreux individus nous apparaît encore plus évident. En effet, la dynamique ancienne de l’association et l’expérience de ses membres est un formidable regard sur l’évolution de la place du vélo dans nos sociétés et dans nos villes.
Mais l’heure avance, et nous ne verrons pas la collection de vélos de François, à notre grand dam… Il faut prendre la route après ce très riche et très stimulant weekend. Nous repartons encore plus motivés pour travailler encore et encore pour le Collectif Cycliste 37 et l’ensemble de ses adhérents et soutiens.